C'est une folie diront certains. De
l'archaïsme, un retour à l'Ancien Régime. Il n'en est rien. La
France, au vingt et unième siècle peut retrouver un roi. L'idée
n'est évidemment pas de revenir au temps des privilèges, ni même
au faste des palais et des cérémonies. Cette idée part d'un
constat. Celui que notre chef d'Etat actuellement élu se voit
attribuer la confiance – quand ce n'est pas un choix par défaut –
d'une «majorité» de Français. J'écris sciemment le mot majorité
entre guillemets car cela fait bien longtemps qu'un président de la
république n'a pas été élu par une majorité, si ce n'est par
celle des électeurs ayant exprimé leurs suffrages. C'est un fait,
les Français se désintéressent de la politique et du choix de leur
président, dont l'élection est pourtant censée être la plus
passionnante, la plus exaltante.
En mai 2017, Emmanuel Macron a été
élu à la plus haute fonction de l'Etat. Son score face à Marine Le
Pen -66,10%- paraît honorable. Cependant, il ne s'agit que du
résultat des suffrages exprimés. En réalité, l'abstention de
25,44% (un quart des Français inscrits sur les listes électorales
!) ramène le score d'Emmanuel Macron sur l'ensemble des inscrits à
seulement 43,61%. On est loin de la majorité. Pire, cela signifie
que plus de la moitié des Français ne se sentent pas représentés
par le président actuel. Pourtant, cela ne remet pas en cause la
légitimité d'Emmanuel Macron. Toute personne de plus de 18 ans
jouissant de ses droits civiques a le droit et même le devoir de
voter. Les abstentionnistes font donc le choix de ne pas choisir. Et
quand une part non négligeable de la population ne choisit pas ou
alors ne se sent pas représentée car ayant choisi le ou la
candidat(e) adverse, il y a un problème évident de représentation.
Macron est la France mais il n'est pas les Français.
Une exception française
En réalité, le cas de la France n'est
pas si courant dans le monde. Peu de pays confèrent dans les mains
d'un seul homme – ou d'une seule femme- autant de pouvoir(s). Par
sa faculté d' «arbitrage», tel que précisée dans l'article 5 de
la constitution, le président de la république peut bien des
choses. La formule est ambiguë. Elle est du Général de Gaulle qui
a voulu s'arroger beaucoup de pouvoir afin de redresser la France.
Car si le gouvernement a le pouvoir de
«déterminer
et conduire la politique de la nation» (article 20), l'influence du
président est plus que conséquente. Il suffit de comparer nos
institutions à celles de nos voisins. En Allemgane, le président
n'a quasiment aucun pouvoir. Idem en Italie. Le chancelier dans un
cas et le président du conseil dans l'autre dirigent la politique
intérieure et extérieure de leur pays. Que reste t-il donc au
président ? La représentation et l'unité de la nation.
C'est d'ailleurs ce qu'est censé faire un président français mais
sa représentation est érodée pour des raisons citées plus haut.
Osons
la royauté !
C'est
donc d'un Roi -ou d'une Reine- dont les Français ont besoin. Thomas
Legrand a écrit en 2014 un livre intitulé Arrêtons
d'élire des présidents. La
formule un brin provocatrice couve une proposition bien plus
rationnelle. Alors que nos chefs d'Etat successifs, disons depuis
Nicolas Sarkozy, sont sous le feu des projecteurs médiatiques, sous
le jugement permanent des réseaux sociaux; leur baisse de
crédibilité et de hauteur dans la fonction s'effondrent
proportionnellement à la fréquence de leurs erreurs, maladresses et
-osons le dire- leurs bassesses. La meute populaire est impitoyable
d'autant que le représentant a été élu. Il y a donc un sentiment
de trahison qui règne lorsque l'électeur se sent bafoué.
Mais
alors, pourquoi un Roi ? Nous en avons eu, même après la
Révolution. Il en subsiste encore en Europe (regardez du côté du
Royaume-Uni, de la Belgique, de l'Espagne...). A mon sens, seul un
Roi – ou une Reine- pourrait unir tous les Français. Ce serait une
réconciliation historique de la France avec son passé. Il faudrait
aller chercher notre souverain dans la maison d'Orléans. En effet,
il s'agit de la seule maison royale dont les descendants vivent
encore en France. Toutefois, la règle selon laquelle le fils aîné
de chaque roi deviendrait automatiquement chef de l'Etat n'aurait
plus cours. Il s'agirait simplement de l'aîné, sans distinction de
sexe. Actuellement, le prétendant au trône de France se nomme Henri
d'Orléans. A 84 ans, il est sage de considérer que cet homme a
atteint la limite d'âge. La génération suivante pourrait prendre
le relais, à savoir sa fille Marie d'Orléans, née en 1959.
Un
représentant de la nation
Evidemment,
il ne s'agirait pas de cantonner le futur chef de l'Etat royal à un
rôle de stricte représentation. Ce n'est pas parce qu'il aurait ce
rôle qu'il n'aurait QUE ce rôle. Bien sûr, un nouveau mode de
gouvernance impliquerait une nouvelle constitution. Ne serait-ce que
parce que nous ne serions plus en république stricto sensu. La
«monarchie républicaine» tiendrait plus de l'oxymore que d'un
régime politique crédible. Pourtant, c'est en ces termes que la
5ème république est parfois qualifiée. Parce que le président a
beaucoup de pouvoirs, il est un monarque républicain. Il n'y a que
trois exceptions à ce schéma: les cohabitations de 1986, 1993 et
1997. Sur ces trois périodes (1986-1988, 1993-1997, 1997-2002), le
premier ministre n'était pas de la même couleur politique que le
président. Mais puisque dans notre constitution c'est le parlement
qui détermine la majorité et donc le gouvernement, François
Mitterrand a été contraint par deux fois de désigner un premier
ministre de droite (Jacques Chirac en 1986 et Edouard Balladur en
1993). Chirac a fait de même avec Lionel Jospin en 1997. Puisque ces
premiers ministres avaient la majorité avec eux, ils déterminaient
et conduisaient la politique de la nation. Le président était
contraint d'accepter les mesures présentées par le gouvernement
mais il gardait tout de même quelques prérogatives comme la
représentation devant la nation et -dans une certaine mesure- la
diplomatie et la politique étrangère en concertation avec le chef
du gouvernement.
Des
pouvoirs limités mais réels
C'est
en fait ce double rôle que devra remplir le futur monarque. La
politique interne de la nation serait dirigée par le premier
ministre et son gouvernement. Le roi -la reine- aura un regard sur la
conduite du gouvernement. Il ou elle assistera au conseil des
ministres, rencontrera le premier ministre au moins une fois par
semaine et aura son mot à dire. Il ou elle aura un rôle
prépondérant à l'étranger, puisque dans cette nouvelle
constitution (j'y reviendrai dans un prochain billet), le premier
ministre donnera priorité à la politique intérieure. Toutefois,
rien ne pourra se faire sans l'aval du premier ministre, seul
habilité à gouverner.
Surtout,
le roi ou la reine sera le visage de la France auprès des Français.
Il ou elle s'adressera à la nation, se déplacera dans tout le
territoire afin de rencontrer les habitants du pays. Il ou elle sera
habilité à remonter les remarques, préoccupations, inquiétudes au
gouvernement. Lors d'événements, d'éventuels attentats, de
catastrophe naturelles, le roi ou la reine sera là. Il ou elle
représentera la France. Toutefois, il n'y aura aucune once de
politique dans tout cela, et c'est là toute la différence avec
notre système actuel où le président ne peut s'empêcher de penser
à sa réélection ou à faire plaisir aux copains en délivrant un
discours ou en intervenant à Lille, Brest, Strasbourg, Marseille...
A
quand ?
Avec
un roi, une reine, l'objectif de réhabilitation d'un chef d'Etat
français serait rempli. Non élu, il ou elle n'aurait pas de compte
à rendre aux Français. Nommé(e) sans limite de durée mais avec
possibilité de révocation -les modalités seront à définir dans
un prochain billet-, avec des pouvoirs limités mais existants, il ou
elle n'aura pas à se préoccuper de sa ligne politique. Il ou elle
sera un monarque bienveillant, au service du peuple français. Longue
vie à la Reine des Français, Marie Ière que j'appelle de mes vœux
(utopiques, bien entendu...).