lundi 2 mai 2011

Le vote alternatif anglo-saxon: un modèle ?


Ce Jeudi, 5 Mai sera un jour tout à fait banal pour le monde entier mais crucial pour nos voisins britanniques. En effet, en plus de voter pour une partie de leurs conseillers locaux (soit l'équivalent français des cantonales, pour grossir le trait) ils devront se prononcer par référendum à propos du vote alternatif.
Le pays le plus connu pour utiliser ce système est certainement l'Australie, où il est en vigueur depuis 1918 pour l'élection de la "chambre des représentants"; équivalent de l'assemblée nationale française.
Ce système permet à l'électeur de classer les candidats par ordre de préférence. Un premier dépouillement a alors lieu. Si aucun des candidats n'atteint la majorité absolue, à savoir 50% + 1 voix; on élimine le candidat qui a reçu le moins de voix. On procède donc à un deuxième dépouillement. Lors de cette seconde opération, le candidat éliminé cède sa position sur tous les bulletins à celui qui le suivait. Ainsi, si ce candidat était en première position sur plusieurs bulletins, un nouveau
candidat occupe cette position. Les dépouillements se poursuivent alors jusqu'à ce qu'un candidat obtienne la majorité absolue (c'est à dire placé en première place
par une majorité d'électeurs), et ce dernier est donc effectivement élu.

Concrètement, un candidat élu au scrutin majoritaire peut ne pas l'être avec ce système de vote alternatif.

Prenons un exemple :

5 candidats sont départagés par 15 votants. Nous nommerons ces candidats Sébastien, Jérôme, Sandrine, Mathilde et Adrien

Admettons ensuite que Sébastien récolte 5 voix, Jérôme 4, Sandrine 3, Mathilde 2 et Adrien 1 seule. Adrien est donc éliminé. L'électeur qui a préféré Adrien
a placé Sandrine en deuxième position. Elle se retrouve donc 1ère sur cette liste et gagne une voix.

Lors du deuxième dépouillement, le classement s'établit donc ainsi:

Sébastien 5, Jérôme 4, Sandrine 4, Mathilde 2. Patrice est éliminé, 1 voix se reporte sur Sandrine, 1 voix sur Sébastien.

Troisième dépouillement:

Sébastien 6, Sandrine 5, Jérôme 4. Jérôme est éliminé, 3 voix se reportent sur Sandrine, une seule sur Sébastien.

A l'issue de ce dépouillement, il apparaît que Sandrine gagne l'élection avec 8 voix (53,33%) contre 7 (46,67%) pour Sébastien.

On voit donc dans cette situation que non seulement le vainqueur au scrutin majoritaire n'est pas celui du vote alternatif mais en plus, le candidat arrivé deuxième (Jérôme) qui aurait dû se retrouver au second tour face à Sébastien dans le cadre d'un scrutin classique n'arrive même pas jusqu'au dépouillement final, ce qui permet à une candidate arrivée troisième(Sandrine) de remporter cette élection.

A plus grande échelle, ce système aurait pu permettre à Lionel Jospin de remporter l'élection présidentielle le 21 Avril 2002, date qui fait aujourd'hui encore polémique. En effet, on a beaucoup reproché à Christiane Taubira (Parti Radical de gauche) et à Jean-Pierre Chevènement (Mouvement républicain et citoyen) aux idées proches et dans le même camp que le PS de Lionel Jospin de prendre des voix à ce dernier, favorisant l'arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour signifiant
l'élimination de l'ex premier ministre.
Avec ce nouveau scrutin, les électeurs de Taubira et Chevènement auraient eu la possibilité d'inscrire Jospin en deuxième ou troisième position. Les deux candidats du PRG et du MRC, étant éliminés rapidement au vu des résultats de l'élection présidentielle, le report de voix ce serait fait de manière assez efficace vers Lionel Jospin.

Quid d'un tel système en France ? Si le vote alternatif est adopté en Grande-Bretagne, nous aurons la preuve qu'il peut avoir la faveur des citoyens et pourrait donner des idées à nos dirigeants de ce côté de la Manche.
Ce scrutin apparaît à la fois ludique et plus représentatif de l'opinion de l'électorat, le votant ayant l'occasion de s'exprimer plus en profondeur, si toutefois plusieurs candidats le séduisent.
D'un autre côté, le fait d'établir un classement n'est pas un modèle de simplicité et le but primordial du moment étant de faire revenir les citoyens vers les urnes, le vote alternatif n'apparaît pas comme une solution à court terme. Ceci étant dit, rien n'empêche de mener une réflexion approfondie pour une application à plus long terme.

A l'heure actuelle, un scrutin proportionnel plurinominal à un tour semble être l'une des solutions les plus efficaces pour représenter le plus fidèlement l'opinion des électeurs.
Egalement, il favorise les petis partis, brise la dynamique de bi-polarisation droite-gauche (ou UMP-PS qui en sont les pôles d'attraction) et reste simple à mettre en place.
Une application pourrait par exemple intervenir lors des prochaines élections législatives, en 2012.

Photo: panneau "Ici, les lib dems gagnent", dont plusieurs exemplaires sont accrochés devant certaines maisons de la banlieue de Manchester.

2 commentaires:

  1. Je pense qu'hélas le pragmatisme l'emporte sur la recherche du meilleur mode de scrutin. Voyez par exemple ces quatre dernières années, où dans la plus discrète des discrétions (!) on a pas mal touché au code électoral. La future mise en place de 11 députés de l'Etranger (11 !) n'en est que la plus éclatante des preuves. Là où je veux en venir c'est que la majorité en place profite de son pouvoir pour asseoir ce pouvoir par des moyens règlementaires. Tout changement pouvant impliquer - même théoriquement - une défaite est bien entendu à bannir pour le camp en question. Je précise que Droite et Gauche ont chacun leur tour utilisé la réforme électorale pour appuyer leur présence ou réduire celle de leurs adversaires.

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  2. Je suis tout à fait d'accord. Le risque est moins grand pour la gauche ou la droite de céder le pouvoir à l'autre côté puisqu'au nom de l'alternance, il est récupéré un jour ou l'autre.
    Par contre, face à plusieurs pôles, c'est une autre histoire.
    François Bayou a raison quand il dit que l'élection présidentielle est la seule qui puisse faire changer significativement les choses.
    Tant que de grandes réformes électorales n'interviennent pas, on continuera à jouer au ping-pong...
    Aujourd'hui, seul le centre peut incarner cette rupture.

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